vendredi 17 mars 2017

20170317 - News : Depeche Mode de retour avec "Spirit", un disque révolté, sensuel et spirituel

Depeche Mode de retour avec "Spirit", un disque révolté, sensuel et spirituel





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Sylvain ZimmermannJournaliste
Un parfum de révolte flotte sur le nouveau Depeche Mode. Il suffit de jeter un œil à la pochette de Spirit, le quatorzième album studio du groupe britannique. On y voit cinq paires de jambes bottées, surmontées de six drapeaux flottant au vent. Une bien étrange parade militaire. Car le visuel interpelle : il manque le reste des corps de ces révoltés très déterminés, qui avancent en cadence.

Plus de 36 ans après leurs débuts, les rois de la synthpop, précurseurs des musiques électroniques, sont toujours aussi indignés, déterminés à critiquer un monde qui marche sur la tête ou… sans ses jambes. Le trio de Basildon pourrait se contenter de recycler la même formule gagnante d'album en album, de fabriquer à la chaîne des tubes taillés pour les stades comme Personal JesusEnjoy The Silence ou Never Let Me Down Again. Bref, la jouer pépère comme les autres légendes vivantes de la musique. Se contenter de best of à la pelle et de tournées interminables.
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C'est mal connaître Depeche Mode qui préfère continuer à creuser son sillon, celui d'un groupe exigeant, sans concession. Toujours attentif à son époque. À l'image de Sounds of The Universe ou DeltaSpirit n'est pas un disque immédiat, ni facile. Ne cherchez pas de grands tubes newwave jouissifs parmi les douze titres. Sombre, profond, intense, celui-ci se révèle au fil de longues écoutes. Co-écrit par Martin L. Gore et Dave Gahan, Spirit a été produit par James Ford, moitié de Simian Mobile Disco, qui a collaboré avec Foals, Florence & The Machine et les Arctic Monkeys. Un choix décisif. En se passant de Ben Hillier, producteur des trois opus précédents, Depeche Mode a trouvé un son clair, dépouillé, élégant. Idéal pour explorer la noirceur de l'âme humaine.

Un album engagé qui dénonce sans ménagement notre société

La pochette de "Spirit", quatorzième album de Depeche ModeCrédit : Sony Music / Colombia
Spirit s'ouvre avec Going Backwards, un titre simple, grave, qui sonne comme une mise en garde. Accompagné d'un timide accord de guitare, Dave Gahan délivre son message avec une désolation dans la voix : "Nous n’avons pas évolué, nous n’avons pas de respect, nous avons perdu le contrôle, nous retournons en arrière. Nous ignorons les réalités. Nous retournons en arrière." Des paroles très fortes qui font forcément écho à l'actualité politique des derniers mois. Depeche Mode a toujours dénoncé le totalitarisme, l'intolérance, les pouvoirs de l'argent qui asservissent les peuples. En jouant avec leurs codes pour mieux les fracasser.
Qui prend vos décisions ? Vous ou votre religion ?/Votre gouvernement, vos pays / Vos junkies patriotes ?
Dave Gahan
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"Nous avons perdu notre âme, nous retournons en arrière avec une mentalité de l'âge de pierre", poursuit Dave Gahan avant de scander à la fin du morceau : 'We Feel Nothing Inside" soit "Nous ne ressentons rien à l’intérieur". Depeche Mode ne prend pas de gants pour décrire l'évolution de société.

Le deuxième titre est un prolongement logique à cette réflexion. Where's The Revolution, premier single de Spirit, tente de réveiller les masses. "Où est la révolution ? lance le chanteur, rageur. Qui prend vos décisions ? Vous ou votre religion ? / Votre gouvernement, vos pays / Vos junkies patriotes ?" La lourde basse martèle, la batterie se fait militaire, le refrain est repris en chœur comme dans une manifestation. La révolution est en marche. Enfin, Depeche Mode l'espère encore. 
Depeche Mode - Where's the RevolutionDurée : | Date : 

Une exploration des âmes torturées

Spirit est sans doute le disque le plus politique des Britanniques depuis plus d'une décennie. Mais le groupe n'oublie pas pour autant ses autres thèmes de prédilection : les relations amoureuses, toujours torturées, compliquées. Sur The Worst Crime, un Dave Gahan désabusé enveloppé dans un son de clavier spectral, se penche sur l'échec du couple : "Avant il y avait des solutions. Maintenant, nous n’avons plus d’excuses." Et d'ajouter : "Nous sommes les juges, les jurés. C’est trop tard pour la fureur. On doit accepter la sentence."

You Move renoue avec l'ambiance d'Ultra, chef-d'œuvre de noirceur sorti il y a 20 ans. Très dark, langoureux, sexuel, le morceau offre un jeu de domination : "J’aime la façon dont tu bouges, j’aime la façon dont tu bouges pour moi ce soir". On retrouve un Dave Gahan, joueur, pervers : "Les tentations frappent à ma porte". So Much Love est quelque part dans la même veine. Pur titre synthpop, il est également obsessionnel. "Il y a tellement d’amour en moi", confie Dave Gahan. Tu me faire passer pour un démon, ça me satisfait." 

Cover Me est un sommet de noirceur, parcouru par un grand spleen. Le titre slow tempo pourrait figurer sur la bande originale d'un thriller ou d'un film de science-fiction post-apocalyptique. Le clavier se fait angoissant, répétitif. On s’attend à voir surgir à tout moment une machine tueuse. Jusqu'à une lueur d’espoir au milieu de cette ballade : "Je nous imagine dans une autre vie. Où nous sommes tous des super stars", lâche Dave Gahan.

Esprit de Depeche Mode, es-tu là ?

Comme son titre l'indiqueSpirit est également habité par la spiritualité. Thème récurrent chez Depeche Mode. Le groupe a toujours exploré le rapport des hommes au divin. Dave Gahan le souligne souvent en interview, il évoque en permanence cet esprit qui lie les individus. Le péché, la foi, la rédemption reviennent sans cesse dans les chansons du groupe de Basildon. Eternal, l'un des rares titres interprétés par Martin L. Gore sur Spirit, s'apparente à un prêche religieux doublé d'un son d'orgue. Sa voix aérienne est douce et rassurante : "Oh, mon petit. Je te protégerai et t’entourerai de mon amour aussi bien que n’importe quel homme peut, aussi bien que n’importe quel homme pourrait. Je serai là pour toi pour toujours."
Nos âmes sont corrompues, nos esprits sont en pagaille. À quoi pensons-nous ?
Martin L. Gore
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Sur Fail, Martin L. Gore interpelle une ultime fois l'auditeur en dressant un tableau des plus inquiétants : "Nous sommes sans espoirs. Arrêtons de nous mentir à nous-mêmes. Nos âmes sont corrompues, nos esprits sont en pagaille. Notre conscience dit "Banqueroute". Nous sommes foutus… À quoi pensons-nous ?" Il ajoute : "Notre dignité a mis les voiles, nous avons échoué. Pourtant, cette chanson ne signifie pas que tous les espoirs sont perdus. Depeche Mode fait appel à l'esprit de résilience qui sommeille en chacun. Pour bâtir un monde nouveau ?

Spirit, de Depeche Mode (Columbia/Sony). Concerts le 12 mai à Nice, le 1er juillet au Stade de France.
Depeche Mode - Where's the Revolution - Behind the ScenesDurée : | Date : 
 

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