Le 5 octobre 1981, Depeche Mode révolutionnait la musique britannique, en sortant Speak & Spell, un premier album aux mélodies sautillantes entêtantes (comment oublier les sept notes vivement pressées sur un synthé de « I just can't get enough » ?), qui influença – pour le meilleur et pour le pire – le paysage sonore de la décennie qu'elle ouvrait.
Trente-six ans et 100 millions d'albums vendus plus tard, le trio de Basilson (Essex) est de retour, et contrairement à tous ceux qui ont laissé leur marque sur l'histoire du rock, ils ne portent pas sur leur visage les stigmates de leurs excès (de drogue, d'alcool, de fêtes, de femmes). « C'est un des rares groupes des années 80 qui a survécu et qui conserve un certain niveau de qualité musicale », s'enthousiasme le journaliste Jacques Braunstein, fan de la première heure.
Leur musique a en effet peu évolué depuis 1982, date à laquelle Martin Gore remplaça Vince Clarke à la composition. Dans Spirit, le quatorzième album de Depeche Mode, sorti ce vendredi, on retrouve ainsi les sombres mélodies post-punk de Gore, toujours aussi inquiétantes, quasi-fascistes, et dans ses textes les mêmes interrogations sur Dieu, le monde qui part en vrille et les politiciens pourris. « On n'y est pas encore, on n'a pas évolué », annonce d'emblée Dave Grahan dans « Going Backwards », de sa belle voix traînante, étonnamment peu altérée par les overdoses à répétition, magnifiée par des synthés mystiques qui sonnent presque comme des orgues. Clean depuis vingt ans, il a même réussi à s'imposer comme coauteur des chansons du groupe.
Pourtant ces vétérans ne parviennent toujours pas à se renouveler, et les chansons se succèdent et se ressemblent encore. D'ailleurs, Anton Corbijn, photographe et compagnon de toujours du groupe (il a réalisé 19 de leurs clips depuis 1986), est encore une fois derrière la caméra pour la vidéo de « Where's The Revolution ? », leur dernier single. Alors, elle est où la révolution ? Chez Depeche Mode, nulle part, mais c'est ce qui devrait ravir leurs fans.
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