Depeche Mode reviendra faire vibrer les scènes françaises avec des dates en 2017 à Paris, Lille et Nice. L'occasion d'explorer en attendant les titres marquants de cette formation pionnière de l'electro-pop à l'anglaise. Mais c'est alors s'embarquer dans un périple riche en rebondissement et en arborescences. Au carrefour du post-punk anglais, des courants croisés tumultueux entre les lits des rivières rock et techno. Sur fond de relation amour/haine avec le continent américain, engendrée par le développement de la musique synthétique en Europe. 35 ans de carrière résumés en 8 chansons plus que marquantes.
Dreaming of me
Qui se souvient de "Dreaming of me" le premier single de Depeche Mode ? Toute l'esthétique de loulous british autant inspirés par Kraftwerk que par Abba ou Phil Spector s'y trouve pourtant déjà résumée.
Lorsqu'est commercialisé en avril 1981 ce titre écrit par Vince Clarke, qui fonda le groupe avec Martin Gore et Andrew Fletcher, Depeche Mode vient tout juste de recruter un autre chanteur David Gahan. Et de sortir une maquette nommée Photographic sur le label Some Bizzare.
Depeche Mode a ensuite été remarqué et signé par l'américain Daniel Miller sur son label Mute. Un label qui accueillera des stars, d'Erasure à Moby. Comme des formations bien plus expérimentales comme SPK ou Cabaret Voltaire.
Depeche Mode s'est formé à Basildon, ville nouvelle pseudo-futuriste de l'Essex, à une heure de Londres. Après des débuts avec un premier groupe rock Composition of sound, Depeche Mode s'incarne par une utilisation compulsive des synthétiseurs, sur le modèle d'Orchestral Manoeuvres in The Dark.
C'est, au début des 80's, d'abord le projet de Vince Clarke. Ce chômeur nourri aux chants paroissiaux et fan de gospel manie habilement le hautbois. C'est lui qui écrit et compose les titres et veut faire de Depeche Mode son métier, ses deux comparses étant employé de banque pour Gore, dans une compagnie d'assurance pour Fletcher.
Just can't get enough
Premier tube authentique de Depeche Mode, successeur de l'imparable "New Life", "I just can't get enough" est un raz de marée. Depeche Mode assume à l'époque d'autant plus ses casquettes en cuir et ses mèches de garçons coiffeur qu'il rencontre un intense succès populaire auprès d'un très jeune public.
Les radios relaient ce titre aux staccatos de synthés frénétiques, la France n'est pas en reste et accueille à Paris pour la première fois le groupe aux Bains Douches le 29 septembre 1981.
C'est pourtant le moment que Vince Clarke choisit pour quitter le groupe et fonder Yazoo avec la chanteuse Alison Moyet. Vince Clarke est remplacé par Alan Wilder, recruté par petites annonces mais qui se révélera pourtant par la suite indispensable par ses qualités de producteur et d'arrangeur.
Everything counts
Martin Gore s'impose progressivement à l'écriture des chansons, notamment sur "Everything Counts" où il impose un clair obscur harmonique, plein de chausse trappes mélodiques distillant un spleen redoutable.
Tiré de l'album "Construction time again", après un premier recueil nommé "Speak and spell" et son successeur "A Broken Frame", "Everything Counts" mêle des inflexions quasi gothiques à des arrangements nappés de synthés aux rythmiques inflexibles.
Martin Gore et Dave Gahan y imposent chacun leurs personnages, l'un de blondinet chétif influencé par Gary Glitter, l'autre de beau brun ténébreux aux déhanchements acrobates.
People are people
Désormais ultra populaire, Depeche Mode profite de sa liberté. Martin Gore s'installe à Berlin Ouest, arbore publiquement une minijupe de cuir noire et un attirail sadomasochiste, reflet des préoccupations décrites dans un autre hit énorme, "Master and servant".
Il vibre aux concerts de The Birthday Party, le premier groupe de Nick Cave, qu'il a souvent l'occasion de voir dans la capitale allemande.
Martin Gore se passionne aussi pour les libertaires Einstürzende Neubauten et leurs performances abrasives pleines de crépitements métalliques. Ces derniers influencent fortement le son et l'esthétique de Depeche Mode, qui digère ces expérimentations et les restitue sous une forme dansante et aisément diffusable en radio, avec des titres comme "People are people".
Il est d'ailleurs intéressant de noter que bien des années plus tard Einstürzende Neubauten donnera l'impression d'avoir digéré à son tour la mélancolie hertzienne de Depeche Mode.
"People are people" s'avérera en tout cas un tube en Europe en 1984 mais aussi aux Etats-Unis un an plus tard. Et ce au moment même où les groupes anglais de la génération de Depeche Mode comme Duran Duran, Spandau Ballet ou Kajagoogoosont laminés par le rock alternatif américain.
Never let me down again
Quand sort "Never let me down again", complainte languissante présente sur l'album de 1987 "Music for the masses", Depeche Mode est incontournable. "Music for masses", titre trompeur car album relativement intimiste et allant assez loin dans l'expérimentation, avec des titres oppressants comme "Behind the wheel" ou le lancinant "Little 15". N'empêche, Depeche Mode est devenu un repère.
La formation européenne a même influencé par son approche strictement synthétique des producteurs américains de house music comme Todd Terry. Toute la techno de Détroit de la fin des années 80 s'inspirera d'ailleurs ouvertement de Depeche Mode.
Le groupe est alors aux Etats-Unis en terrain conquis et leur tournée de 1988 donne même lieu à un documentaire et à un album live intitulés 101.
Personal Jesus
Des trois titres charnières de "Violator" en 1990, avec "Enjoy the silence" ou "Policy of truth", "Personal Jesus" est probablement le classique des classiques. Chanson tellement puissante et chargée en affects qu'elle sera reprise par le pape de la countryJohnny Cash ou Marilyn Manson.
Violator, c'est l'album clef de la discographie de Depeche Mode, celui qui a changé la face de la pop music et même de la musique électronique. Celui sans lequel un groupe aussi crucial que LFO, pionnier de la techno anglaise, n'aurait probablement pas existé.
Un disque qui se vendra à plus de six millions d'exemplaires dans le monde. Générera une tournée géante à travers le globe dépassant les six mois, le "World Violator Tour", devant 1,2 million de fidèles. Un disque qui doit sa production révolutionnaire à un tandem de choc : Flood et le français François Kevorkian, déjà remarqué aux côtés de Kraftwerk pour "Electric Café".
Barrel of a gun
Après la montée et l'euphorie survient la descente. Violente. "Barrel of a gun", blues industriel et fangeux sur l'album "Ultra" produit en 1997 par le génie Tim Simenon de Bomb The Bass témoigne de la combustion lente qu'a subie Dave Gahan après les sommets de "Violator". On est alors en pleine vague "trip hop" mais Depeche Mode creuse son propre sillon, parallèle.
Un sillon amorcé sur l'album "Songs of faith and devotion", irrigué par des guitares bluesy poussiéreuses de sable et des saturations numériques grésillantes. La rivalité avec U2, en plein remue méninges lié à "Zooropa" suite à la déferlante "Achtung Baby", battait alors son plein. Une période où Dave Gahan sombre dans la toxicomanie et échappe de peu au suicide. Alan Wilder vient de quitter la formation (il publiera des disques sous le nom de Recoil).
Désormais, ses classiques, Depeche Mode les écrira avec le renfort de pygmalions experts en effet électroniques comme Simenon ou Mark Bell de LFO.
Heaven
Figurant sur le dernier album en date de Depeche Mode, "Delta Machine" (2013), "Heaven" est une ballade lyrique et pneumatique aux accords de guitare solennels. Le groupe a changé d'époque et ne peut prétendre à des rotations lourdes sur MTV ni à des ventes de singles astronomiques.
Il a pourtant régulièrement produit d'excellents albums, notamment "Playing the angel" en 2005 et ses "John the revelator" ou "Nothing's impossible", titre pour lequel Dave Gahan, qui a sorti des disques solo, s'est lancé dans l'écriture. Comme Martin Gore et sa série de disques solo "Counterfeit".
En 2015, Dave Gahan avait même mis en pause le groupe pour se consacrer à un projet parallèle, Soulsavers. Jusqu'à l'annonce d'une tournée pharaonique coïncidant avec la sortie d'un nouvel album intitulé "Spirit".
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